Une pratique systématique du dessin permet de passer le temps. Et, à force de s’accumuler, à l’image des alluvions déposées par la rivière, ces dessins peuvent donner une forme au temps passé.
Chaque série du temps des alluvions réunit trois cent soixante dessins pour constituer un volume et une vidéo. Tandis que les feuilles composent un bloc dont un seul dessin émerge, l’ensemble des images se superpose dans une animation en boucle.
Dessiner est un geste primaire porté par le désir de représenter le monde. Ici, le geste est né sans intention première. Inspiré par le flux de la rivière, mû par un besoin d’oubli, dans une tentative de non-pensée, le geste est devenu système, le processus, matière.
Les contraintes se sont imposées d’elles-mêmes. Le format : A4, le cadre : rectangulaire ou circulaire, le motif : des lignes ou des cercles, la technique : mine graphite sur papier à grain, la quantité : 360 pour chacune des 2 séries. Toutes ces règles ont instauré un climat de travail rassurant, autorisant une liberté de produire, non pas des figures, mais des formes composées de tracés successifs, toutes semblables, chacune unique.
Ainsi, au rythme de ce geste ritualisé, les feuilles se sont déposées les unes au-dessus des autres, telles les strates d’une roche sédimentaire, jusqu’à composer un bloc. Le sommet de la pile ne se distingue pas par sa qualité ; il représente simplement la surface. S’il est le seul dessin visible, ses prédécesseurs n’en sont pas moins présents. Ils le supportent, l’élèvent à une certaine hauteur comme la note finale d’un morceau de musique.
Diffusée en parallèle, la vidéo donne à voir une traversée de la série de dessins comme pourrait le faire un dispositif scientifique explorant des couches géologiques. Mais, par la cadence et un effet “pelure d’oignon”, les dessins se confondent les uns aux autres afin de dévoiler l’ensemble sans révéler les éléments.
Car ici, c’est bien le flux vidéo, et là, l’opacité du volume, qui entendent témoigner du processus mis en œuvre.